mardi 25 juin 2019

Les larmes d'une survivante du mariage précoce

Dakar, Chaibou Balkissa se rappelle les moments difficiles de son enfance (Crédit Photo : Robert Adé)

Chaibou avait 12 ans quand ses parents l’ont donné en mariage a son cousin qui, à l’époque, était deux fois plus âgé qu’elle. La jeune nigérienne a eu le mérite de déjouer ce projet funeste de mariage précoce concocté par son oncle paternel. Aujourd’hui, elle poursuit ses études supérieures en médecine, à l’Université Abdou Moumouni de Niamey. Elle rêve de devenir professeur agrégé en médecine et de créer une organisation panafricaine de lutte contre le mariage des enfants.

Douze ans après les faits, Chaibou Bissala Balkissa, le teint clair, la taille discrète, cachée sous sa jaquette sur robe blanche, la tête couverte d’un foulard blanc, peine à dissimuler sa souffrance de survivante du mariage forcé.
«C’est un combat que j’ai commencé par mener depuis l’âge de 12 ans et aujourd’hui, j’ai 24 ans et je compte le continuer parce que chaque fois que j’en parle, j’ai mal mais… je continue à le faire. Je suis venue ici pour faire un témoignage. C’est pour que les autres jeunes filles qui sont, ou bien qui vont être dans la même situation que j’avais vécue sachent qu’il y a une solution»



Le jour où tout a basculé

Impuissante face au choix et à la décision de ses parents précisément de son oncle paternel, Chaibou échappe au phénomène de mariage précoce grâce au Centre d’Assistance Juridique et d’Assistance Citoyenne qu’elle a saisi par l’entremise de son directeur d’école. Elle était en classe de 3ème et préparait son examen de Brevet d’Etude du Premier Cycle (BEPC).
«Il m’avait dit que lui, il a voulu qu’on célèbre le mariage juste pour renforcer les liens de famille. J’étais partie voir mon directeur d’école. Je lui ai expliqué la situation et ce dernier m’avait vraiment comprise. Il m’avait emmenée au CAJAC (le Centre d’Assistance Juridique et d’Assistance Citoyenne). C’était le CAJAC qui a monté un dossier pour aller au tribunal des Grandes Instances à Niamey. Le procureur leur a fait comprendre que je suis mineure et que je veux continuer mes études.»



Réussir à tout prix et combattre

Chaibou Bissala Balkissa est étudiante en 4ème année à la faculté de médecine de l’Université Abdou Moumouni de Niamey où elle poursuit ses études supérieures. Son ambition, c’est de devenir professeur agrégé en médecine, enseignante-chercheuse. Elle envisage de créer une organisation panafricaine de lutte contre le phénomène de mariage précoce des enfants au Niger.
Le Niger occupe la première place mondiale avec 76% de taux de prévalence du mariage précoce. Selon le Secrétaire général  aux relations extérieures de l’Association des Chefs Traditionnels du Niger, Mansour Kané, 28% des filles de moins de 15 ans sont touchées par ce phénomène tandis que le taux de prévalence des mutilations génitales féminines est de 2% dans tout le pays.

Robert Adé

jeudi 6 juin 2019

Sénégal : la corruption électorale, l’autre obstacle à la vérité des urnes

Scrutin présidentiel du 24 février 2019 au Bureau de vote des Almadies, Sénégal (Crédit photo : R. Adé)

Pays modèle de la démocratie et de l’alternance politique au sommet de l’État, le Sénégal peine à légiférer sur le phénomène d’achat de conscience en période électorale. Cette pratique n’est réglementée par aucun texte et pourrait encore influencer la transparence du vote lors des prochaines élections communales.

Vendredi 22 février 2019, en début d’après-midi, devant le stade Léopold Sédar Senghor à Dakar, Elimane Ndao, jeune journaliste sénégalais est témoin d’un fait qu’il qualifie d’achat de conscience. Joint au téléphone, il raconte.
 « J’ai assisté à de l’achat des consciences de grandes dames qui étaient venues d’un peu partout de la banlieue dakaroise, transportées à bord de cars Ndiaga Ndiaye où on leur distribuait des billets de 2000, de 5000 francs pour garnir et remplir le stade Léopold Sédar Senghor ; stade de 60 mille places lors du dernier meeting du président Macky Sall et ça  m’avait choqué. J’ai pris quelques photos et après j’ai fait un post Facebook pour dénoncer ça. »
Une corruption électorale endémique

Cette forme de corruption électorale souvent entretenue sur le terrain par des collaborateurs de candidats ne surprend pas  Mamadou Ndoye, coordonnateur de la Convergence des Jeunesses Républicaines, une des structures du parti au pouvoir dans la commune de Ngor.
 « Nous, on a connu ça. Cette forme de corruption, elle existe. Ici dans notre commune, par exemple à Ngor, on a essayé de combattre ça mais ce sont les populations elles-mêmes qui continuent d’accepter ce genre de pratique. »
Meeting de fin campagne présidentielle au Sénégal (Crédit Photo : Arficatopsucess.com)

Interrogé quelques mois plus tôt (en pleine campagne présidentielle) sur les stratégies de mobilisation des électeurs, Abdoulaye Niane, directeur de campagne d’Ousmane Sonko (candidat de l’opposition) a rejeté toute implication de sa formation politique dans des cas d’achat de conscience.
 « Sur le terrain, nous excluons l’achat des consciences. Nous n’avons pas d’argent à distribuer. Nous voulons instaurer l’État de droit et la transparence donc on discute avec les gens, on leur explique nos programmes. On  voit aussi beaucoup d’argent circuler et c’est sûr que ça ne sort pas ni des poches du président de la République encore moins de ses sympathisants ou adhérents de son parti. »
L’électeur, le grand perdant

 Pourtant l’achat de conscience n’est pas le seul apanage du candidat proche du pouvoir, nuancent des étudiants rencontrés à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Ils précisent que la corruption électorale est manifeste sur l’ensemble du territoire du Sénégal, tant en zone urbaine qu’en zone rurale et sous différentes formes d’aides : alimentaires, médicales, matérielles et financières.
« C’est plus de l’achat des consciences en espèce pour faire déplacer les gens, pour faire voter les gens. C’est un constat qui est fait du début de la campagne électorale jusqu’au jour du vote. Les gens sont convoyés en masse, les gens sont obligés de sortir avec les bulletins des autres candidats pour recevoir un petit pactole ». 
« Sénégal, c’est un pays pauvre et c’est les sénégalais qui aiment cette façon de voter. C’est leurs défauts et les politiciens en abusent aussi ».
Pour plus d’équité dans le jeu politique, l’Assemblée nationale doit pouvoir légiférer sur cette pratique, affirme Jaly Badiane, Activiste-Blogueuse, membre du programme de mobilisation citoyenne pour une participation massive et de qualité au processus électoral ‘’Sénégal Vote’’. Pour cette journaliste de formation, il est temps d’en débattre plus sérieusement.
 « C’est quelque chose même qu’on devrait instaurer dans le dialogue national qu’on est en train d’amorcer dans le pays parce que ça impacte réellement sur le vote. Finalement, l’électeur va voter pour la personne qui va régler un problème ponctuel mais ne va pas voter pour la personne qui va avoir un vrai projet de société, qui va pouvoir régler les problèmes à long terme mais les problèmes structurels du pays, du village, de la ville ou de la commune ne seront pas réglés. »



Le silence de la loi

Au Sénégal, l’article L.107 du Code électoral dispose qu’aucun candidat ne peut être « poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé pour des propos tenus ou des actes commis et qui se rattacheraient directement à la période électorale ». Alioune Barro, juriste en service à Dakar revient sur la notion de liberté comme un droit fondamental.
 «Il n’y a pas au Sénégal, une loi qui interdit l’achat de conscience mais dans notre constitution, on nous dit que, cette liberté de choisir, aucune loi supra ne peut l’interdire. Donc, si on doit parler de l’interdiction de l’achat de conscience, il faut aller voir dans la constitution, ses dispositions qui sont sur la liberté.»



Pour gagner le pouvoir ou pour s’y maintenir, les candidats sont prêts à dépenser toute une fortune. Selon un rapport de Transparency International présenté par le Forum Civil, l’achat de conscience est l’un des phénomènes qui compromettent la sincérité des consultations électorales au Sénégal.

Robert Adé

jeudi 18 avril 2019

Santé : Antoine Padonou entre les plantes et le vaudou

Antoine Coovi Padonou dans son centre de recherche à Dassa (CP : R. Adé)
Il tire ses énergies du culte vaudou. Antoine Coovi Padonou a été initié dès le bas âge par son grand-père, un célèbre prêtre vaudou au Bénin. Aujourd’hui encore, ce chef de culte vaudou et tradithérapeute sauve de nombreuses personnes grâce à sa maîtrise des plantes, mais également grâce à sa fidélité aux divinités qu’il vénère.
 Si vous n'êtes pas initié, vous ne pouvez pas entrer dans un couvent et obtenir une réponse adéquate à vos préoccupations. Il faut être un initié. Ce qui fait ma force, moi j'ai été initié dès le bas âge au vaudou et aux vertus des plantes par mon grand-père. Ce qui fait qu'aujourd'hui, j'entre dans tous les couvents. Du coup, il m'est facile de faire mes recherches, de comparer les résultats et de bien m'en sortir. 
Le pouvoir du verbe sur la plante

Selon lui, les feuilles sont plus efficaces quand elles sont inspirées des couvents et accompagnées d’incantations. «L’une peut être utilisée sans l’autre mais c'est encore mieux d’associer la plante et la parole», a-t-il expliqué.
Il y a des feuilles que vous pouvez utiliser au dehors ; telle feuille plus telle feuille, ça donne tel effet, ça guérit telle maladie alors que dans le couvent, cette même feuille peut avoir encore un autre aspect. Et quand le verbe est accompagné, ça fait autre chose parce qu’il y a des vibrations. 
«Pour communiquer avec les feuilles, il faut bien comprendre leur langage car chaque feuille a son rôle ; il faut y avoir été initié», a précisé Antoine Coovi Padonou.

 

Au début des années 2014, Antoine Coovi Padonou avait déjà à son actif, deux brevets pour la découverte de remèdes contre le diabète et l’hypertension artérielle à base de plantes médicinales. Il a été plusieurs fois lauréat de premiers prix dans le domaine des recherches sur les vertus des plantes médicinales au Bénin et dans la sous-région.

Robert Adé

jeudi 11 avril 2019

Doudou Sow « La grosse difficulté est qu’on a du mal à grandir »



Monsieur Doudou Sow, le fondateur de Paddel-Afrique lors de son séjour à Dakar (Crédit Photo : Robert Adé)

Le fondateur de la Plateforme d’Appui à la Décentralisation et au Développement Local en Afrique francophone (PADDEL-AFRIQUE) est un professionnel sénégalais du développement local. Ce défenseur des territoires est formé en France. Il se bat depuis des années pour un développement local inclusif, porteur de valeur ajoutée pour les oubliés des pouvoirs politiques et économiques en Afrique francophone.

''Les pays francophones d’Afrique ont presque la même structure administrative'', affirme Doudou Sow. Selon lui, la plupart des textes relatifs à la décentralisation en vigueur dans ces pays sont inspirés du modèle français d’administration locale. Cet écosystème va, sans nul doute, faciliter le travail à Paddel-Afrique qui a porté son choix sur l’Afrique francophone.
 La question des ressources est fondamentale, précise le président du Conseil d’Administration de Paddel-Afrique. 
  Il y a une difficulté des élus locaux et de l’État à aller vers un système ouvert de financement des collectivités locales. Un système où les collectivités peuvent monter des projets, et avoir des outils de financement adaptés. 




Mettre les compétences au service des territoires


En effet, Il y a beaucoup d’argent investis pour le développement local. Malheureusement, très souvent et de façon générale, on reproche aux politiques de ne pas faire parvenir ces fonds aux populations bénéficiaires. Doudou Sow le confirme :
 c’est un constat largement partagé pour la simple raison que les compétences ne sont souvent pas là où elles devraient être afin d’accompagner ces fonds et projets de développement. Evidemment, il n’y a pas une volonté manifeste de ne pas faire arriver ces fonds au niveau des populations, il y a simplement qu’il faut développer les compétences qui permettent de finaliser ces fonds dans le but de satisfaire les populations. C’est une question de compétences qu’il faut travailler. Cela permettra de contourner les faiblesses et les difficultés que nous connaissons aujourd’hui. L’ambition de Paddel -Afrique, c’est d’y contribuer. 




Une approche de solution

Paddel–Afrique est surtout une plateforme numérique d’e-formation et d’appui-conseil en décentralisation et développement local pour l’Afrique francophone. L’association a été fondée en 2017 par des experts, des acteurs associatifs et des professionnels d’origines diverses, issus de l’espace francophone, en Europe et en Afrique.


C’est une association à but non lucratif. Son ambition est de valoriser et d’accompagner des projets innovants en s'appuyant sur le numérique afin de propulser des secteurs porteurs de développement durable et inclusif.

Robert Adé


jeudi 28 mars 2019

Bénin : Agongointo, le bunker d'anciens rois de Danxomè

Ici, sont camouflés des abris souterrains construits par d'anciens rois de Danxomè (Crédit Photo : Robert Adé)

Des cases en voûte, sous forme d’entonnoir renversé, camouflés à l’intérieur de la forêt dans la ville de Bohicon. Ce sont des abris souterrains utilisés au 18ème siècle par d’anciens rois de Danxomè. Ils leur servaient de stratégies de guerre, explique le gestionnaire du site, Théodore Atrokpo. 

« C’est taillé de telle manière que l’entrée puisse être difficile et la sortie encore plus compliqué. Donc si vous êtes ennemi et que vous venez ici, vous êtes pris au piège. Donc ceux qui sont à l’intérieur vous voient mais vous, vous ne pouvez pas les voir. Il est également très difficile d’avoir accès aux chambres secondaires. Soit vous envoyez une jambe d’abord, soit vous envoyez la tête. Donc, comme ceux qui sont là-bas sont dans l’obscurité, peuvent vous voir et vous, vous ne les voyez pas, si jamais vous êtes ennemi et que  vous envoyez une jambe pour entrer, ils vont couper la jambe. Si vous envoyez la tête, ils vont la couper parce que dans tous les cas, avant d’entrer vous êtes totalement à leur disposition. C’est pourquoi les entrées sont taillées sous cette forme pour rendre l’accès très difficile. »
Un abri souterrain à ciel ouvert sur le site archéologique d'Agongointo au Bénin (Crédit Photo : Robert Adé)

Aujourd’hui, le site est érigé en musée à ciel ouvert de 56 abris souterrains sur une superficie d’environ 7 hectares. 



  Ces vestiges ont été découverts en 1998 lors des travaux de construction d’une route financée par le Royaume du Danemark. Les fouilles et les recherches ont duré 10 ans. Le musée a ouvert en août 2008. Il  accueille entre 5 et 6 mille visiteurs par an. Parmi eux, on retrouve des touristes nationaux (enfants, élèves, étudiants et adultes) et étrangers notamment des africains de la sous-région. Pour le moment, c'est le seul musée communal ouvert ces dernières années au Bénin.  

Robert Adé


mardi 5 mars 2019

Les journalistes : les premiers oubliés des médias en Afrique


Des professionnels des médias à Dakar au Sénégal (Crédit Photo : Robert Adé)
Citoyen peu ordinaire, le journaliste explore aussi bien l'espace public que politique. Il est à l'affût de faits importants et intéressants qui affectent sa communauté. Dans ce travail de fourmis qui ne lui laisse aucun répit, il s'oublie et se fait souvent oublier par ses pairs. 

Des faits d'intérêt public

Les problèmes des journalistes africains sont récurrents. Ils tombent rarement dans le domaine public. Il s'agit entre autres, du "mal-vivre" : le chômage, le sous-emploi, les déboires judiciaires, les menaces, les maladies, l'exclusion, les faillites, les déceptions, les coups-bas... 

Il s'agit également du "mieux-vivre" des journalistes. En effet, parmi ces professionnels des médias, on trouve de bons écrivains, réalisateurs, comédiens, créateurs d’œuvres d'art, entrepreneurs de presse, politiciens, fermiers... dont les expériences méritent d'être connues. Cependant, on n'en sait jamais plus sur leur vie et leurs comportements. 


Le vers est dans le fruit, dit-on ! Les querelles d'écoles, les complexes d'infériorité et de supériorité, les guerres des pouvoirs sont des obstacles à une médiatisation des faits relatifs à la vie des entreprises de presse en Afrique. 
Savez-vous qu'il existe autant de menteurs, de voleurs, d’arnaqueurs, de d'extorqueurs de fonds dans les médias que dans les autres corporations ? 



Dans plusieurs pays notamment d'Afrique francophone, les dossiers de journalistes sont pendant devant les juridictions, pourtant ils sont aperçus comme les meilleurs donneurs de leçons de leur époque.

Robert Adé



Les larmes d'une survivante du mariage précoce

Dakar, Chaibou Balkissa se rappelle les moments difficiles de son enfance (Crédit Photo : Robert Adé) Chaibou avait 12 ans quand s...